Nous nous intéressons à l’art contemporain et plus précisément à la partie de l’art contemporain qui ressort de l’art plastique et à son rapport avec le sacré. Nous laissons donc ici tout l’aspect littéraire, architectural ou musical de l’art contemporain pour ne nous intéresser qu’à l’art plastique, la peinture, la sculpture et tout autre forme de production artistique plastique contemporaine. Afin de commencer à nous faire une idée sur l’art contemporain nous avons choisi dans cet exposé de le présenter tout d’abord de manière historique en esquissant brièvement sa genèse et son développement. Dans un second temps nous réfléchirons à la position de l’art contemporain par rapport au sacré.
Afin de pouvoir réfléchir sur l’art contemporain il nous faut tout d’abord le définir. Dans un premier temps nous évoquons rapidement les début de l’art contemporain aux États-Unis d’Amérique puis nous décrivons sommairement la situation actuelle en France.
Dans son livre Art contemporain : le concept, publié en 2010 aux Presses Universitaires de France, Sanuel Zarka décrit la naissance de l’art contemporain qu’il situe dans les années 1960 aux états-unis. Jackson Pollock et son ‘action painting’ marquent la fin de la période dite de l’art moderne et le début de l’art contemporain. C’est Peggy Guggenheim, mécène et collectionneuse américaine qui rend Pollock célèbre. Elle est très impliquée dans l’art et crée plusieurs musée dans sa vie.
C’est principalement parmi les collectionneurs privés américain que cet art se développe. Les collectionneurs sont à cet époque des mécènes, ils soutiennent financièrement les artistes. Avant la seconde guerre mondiale, les artistes américains ne sont pas valorisés par les collectionneurs américains. Au moment de la seconde guerre mondiale, les artistes sont utilisés par l’état américain pour faire la promotion du travail et des travailleurs américains. Les riches collectionneurs se mettent à acheter l’art national en un geste patriotique. Pour les américains de l’époque, Paris est la capitale de la culture et ils voient dans l’arrivée des Nazis à Paris un danger pour la culture également. Après la victoire des alliés, la victoire américaine est célébrée par l’ouverture de musées et d’expositions à la gloire de la victoire de l’armée américaine. Alors les collectionneurs commencent à acheter les œuvres des artistes américains non plus pour soutenir les artistes ou pour être patriote mais parce que les œuvres les intéressent. La victoire américaine dans la guerre pour la liberté change le regard des collectionneurs américains sur les artistes locaux.
C’est alors que commencent à émerger de nouvelles pratiques dans l’achat d’art des grands collectionneurs. Alors que jusqu’à présent lorsqu’un collectionneur voulait gagner de l’argent sur un artiste il achetait la totalité de sa production puis attendait que la demande pour l’artiste monte et lorsqu’il voyait une demande suffisamment importante, il commençait à vendre les œuvres de l’artiste. C’était une démarche longue dans le temps. L’entrepreneur américain Samuel Kootz veut changer cette logique de capitalisation des marchands/découvreurs français comme Paul Durand-Ruel qui a fait par exemple un pari sur l’impressionnisme qui lui a rapporté beaucoup d’argent.
Ce temps de l’après-guerre et l’avènement de l’art contemporain marque pour Samuel Zarka une forme de révolution du désir dans laquelle il y a à la fois de l’essor économique, l’augmentation de l’importance du loisir et une perte de distinction entre la culture des élites et la culture populaire.
Aux états-unis comme en France, l’aspect exposition de l’art se développe avec l’ouverture de musées, la création de foires, de biennales, de galeries d’art aussi bien dans le monde privé qu’au niveau national. Anne Cauquelin, dans son livre L’art contemporain, publié en 2011 aux Presses universitaires de France dans la collection Que sais-je ?, remarque ainsi que la distance augmente entre l’artiste et l’amateur d’art. Avec la fin du XXème siècle apparaissent des gros marchands, des gros collectionneurs et avec eux c’est toute une logique boursière qui voit le jour dans l’art contemporain, les artistes ont une côte sur un marché de l’art. Les professionnels de l’art, c’est-à-dire les conservateurs de Musée, les galeries et les fondations d’art détiennent les informations sur les artistes et les œuvres et chaque artiste se voit attribuer une valeur esthétique, sa côte sur le marché de l’art.
Des acteurs importants de ce réseau en France sont les Fonds régionaux d’art contemporain, crées en 1982 par le ministère de la Culture. Ces centres culturels organisent des expositions, achètent des œuvres à de jeunes artistes contemporains et aident à la création et à la diffusion de la culture contemporaine en faisant circuler les œuvres dans les 23 lieux répartis sur la France. C’est le principe de cette structure : contrairement aux Musée qui gardent sur place leurs œuvres et ne les prêtent qu’occasionnellement, les FRAC font circuler leurs collections en France et dans le monde. Les FRAC les plus proches de nous sont à Clermont-Ferrand et Villeurbanne.
Nous avons à Grenoble un centre national d’art contemporain, un CNAC. Ces lieux ont pour vocation de favoriser la création et la diffusion de l’art contemporain mais cette fois sans avoir pour mission d’établir une collection. Le CNAC de Grenoble s’appelle le Magasin des Horizons et se situe sur le site Bouchayer-Viallet, à côté de la salle de spectacle la Belle Electrique. Un autre centre d’art à Grenoble est le CAB, le centre d’art Bastille qui est aussi un centre d’art contemporain.
Cet immense marché de l’art contemporain comporte énormément d’acteurs et notamment la presse spécialisée comme Art Press (www.artpress.com) par exemple. Les commissaires d’exposition autrement appelés curateurs sont des personnages importants du monde de l’art contemporain : ils sont tout à la fois metteur en scène d’exposition et professionnels de la communication puisqu’ils rédigent les présentations des expositions. Les voyageurs et les courtiers permettent quand à eux aux œuvres de voyager dans le monde et au passage de nouvelles assurances ont été crées pour assurer les œuvres dans les prêts.
Nous voyons donc qu’en moins d’un siècle c’est une énorme structure qui s’est mise en place place pour favoriser la création, l’exposition, la communication, la circulation et la vente de l’art contemporain. Afin de se faire une idée pratique concrète, voici quelque chiffres donnés par le site Art Price (www.artprice.com) : en 2019 le marché mondial de l’art contemporain regroupe environ 32000 artistes produisant environ chaque année 120000 œuvres et représentant un chiffre d’art d’oeuvres vendues annuellement de près de 2 milliards de dollars : le qualificatif d’énorme n’est donc pas exagéré.
Tout cela ne nous dit rien de l’art plastique en lui-même, nous avons vu ce qui entoure l’art contemporain, comment il est structuré mais pas de quoi il est fait ni ce qu’il produit comme effet. C’est le but de cette seconde partie : observer l’action de l’art contemporain sur son public et voir dans cette action soit du profane, soit du sacré ou peut-être un peu des deux.
Nous avons vu que l’art contemporain est, en tant qu’objet, mis en valeur c’est-à-dire séparé des objets du quotidien. L’art contemporain se montre dans des endroits spécialisés qui de fait séparent l’art contemporain du reste du monde. En ce sens une valeur supérieure à celle des objets quotidiens lui est attribué. Il est protégé par des institutions humaines qui le rendent ainsi intouchable au commun: l’art contemporain est élevé au rang d’une sorte de divinité : il est interdit de le toucher, il nous dépasse, il est séparé du quotidien. En ce sens, l’art contemporain a un côté sacré mais pas au sens où il est associé à une pratique religieuse mais au sens ou les œuvres d’art produites par l’art contemporain sont manifestement séparées du monde du quotidien par leur mise en avant dans des musées nationaux, des foires, des galeries, etc…
Le sacré, en dehors du fait d’exister par sa distinction d’avec le quotidien, le profane, est aussi un sentiment du numineux c’est-à-dire une sensation d’attirance vers quelque chose qui nous dépasse et en même temps une peur face à cette chose qui nous dépasse, le mysterium tremendum, un tout autre qui fascine et paralyse à la fois. Comme l’Athéna Parthénos, statue chryséléphantine (faite d’ivoire et d’or sur bois) impressionnait les grecs par sa taille, sa position dans le Parthénon, ainsi que par la lumière qui se reflétait dans le verre, l’or et l’eau qui l’entourait, de la même façon la pyramide du Louvre nous éblouit, nous épate, nous impressionne, nous en met plein la vue.
Comme l’Athéna Parthénos, entourée par les colonnes du Parthénon, trônait au milieu de l’énorme pièce, la pyramide de Louvre est entourée par les bâtiments du Louvre, elle trône sur la place. Comme le verre et l’or se reflétaient dans l’eau en Grèce, la lumière est libre de passer à travers le verre de la pyramide qui est entourée d’eau. Comme Athéna dominait ses visiteurs, la pyramide gigantesque surplombe la place. Ce sont les mêmes ressorts esthétiques qui sont utilisés dans le cadre complètement non religieux de la pyramide que ceux dont les grecs se servaient pour éveiller le sentiment du numineux chez les croyants grecs. Ici le sentiment du numineux est donc déclenché dans un cadre non-religion et pourtant le sacré est présent.
Mais l’art contemporain est également présent dans le registre sacré du religieux. Il peut même avoir une certaine importance pour l’artiste puisque Marc Chagall après avoir installé des vitraux dans la chapelle des Cordeliers à Sarrebourg dit de cette réalisation en 1976 que c’est son chef-d’oeuvre. Ce vitrail figuratif lui a été commandé par le maire de la ville.
Ce vitrail est figuratif et même s’il est réalisé par un artiste contemporain, il ne crée pas vraiment de problème dans la mesure où sa conception reste assez traditionnelle. Mais l’art sacré contemporain peut être beaucoup plus bousculant, par exemple dans les exemples qui suivent.
Pierre Soulages dans l’église abbatiale Sainte Foy de Conques, remplace les vitraux originaux par des vitraux de sa composition réalisés entre 1986 et 1994. C’est le maître verrier Jean-Dominique Fleury qui travaille avec Soulages à ce projet. L’artiste a conçu un verre translucide pour la réalisation des vitraux et le choix de l’artiste fait débat. Non seulement en tant qu’il est choisit pour ce travail mais en tant que son travail se sera pas de refaire les vitraux à l’identique mais bien de faire ‘du Soulage’ c’est-à-dire une œuvre non-figurative.
La polémique est brièvement évoquée dans cette vidéo :
et repose principalement sur le fait qu’au lieu de choisir de restaurer les vitraux existants, il est décidé de les remplacer par ceux de Soulages. Mais c’est un artiste abstrait, il est donc certain qu’aucune représentation divine de sera présente sur les nouveaux vitraux, c’est une modernisation qui ne passe pas facilement : l’art contemporain est dans le sacré religieux mais le bouscule dans ses traditions.
Environ à la même période, en 1996, les vitraux du prieuré roman de Salagon dans les Alpes de Hautes Provence sont remplacés par Aurélie Nemours, artiste contemporaine qui installe six vitraux rouges lumineux parcourus de lignes noires irrégulières verticales et horizontales, très loin du traditionnel vitrail d’église.
Jean-Jacques Wunenberg, dans son livre intitulé Le sacré publié en 2019 dans la collection Que sais-je ? nous dit page 90 que nous sommes entrés depuis le XVIIIème siècle dans une ère de laïcisation dans laquelle l’influence du sacré diminue dans la vie sociale : les fêtes, les mariages, les enterrement sont de moins en moins religieux. Pourtant comme nous l’avons vu ci-dessus l’art contemporain a réussi à entrer dans le monde du religieux.
Malgré le religieux qui recule, le sacré reste et Wunenberg nous dit que le sacré est transféré vers d’autres objets que les dieux. Wunenberg cite Laplantine, Les trois voix de l’imaginaire, publié en 1974 : « Tout se passe comme si la collectivité humaine quelle qu’elle soit, était dans l’incapacité structurelle de fonctionner sans se donner des valeurs, un absolu, une espérance, bref une notion précise ou diffuse, de ce qu’il convient d’appeler l’expérience du sacré. » Eliade que cite également Wunenberg, dans Le sacré et le profane, publié en 1965 au éditions Gallimard, soutient ce point de vue : « l’homme moderne qui se sent et se prétend a-religieux dispose encore de toute une mythologie camouflée et de nombreux ritualismes dégradés. » Et Wunenberg illustre cela un peu plus loin dans son livre en évoquant le rite des achats en supermarché et des vacances organisées pour décrire des comportements non religieux mais suivant un rituel précis. De même pour les icônes religieuses qui ne sont plus vénérées, ou Dieu qui n’est plus prié seraient remplacés par les panneaux publicitaires omniprésents, la sacralité indiscutable et unanimement recherchée de la croissance économique et du progrès technique à tout prix.
Dans ce schéma, nous voyons que l’art contemporain s’inscrit parfaitement puisqu’il est un marché économique en pleine croissance, que les institutions et les artistes contemporains utilisent tous les moyens de communication pour vendre leurs produits et en faire la publicité. Au plan technique il suit également son temps aussi bien dans l’utilisation du progrès technique dans la conception des œuvres que dans leur diffusion.
Pourtant, cet art contemporain qui est sacralisé par les institutions, qui s’est fait une place dans le sacré religieux et qui est en même temps parfaitement intégré économiquement à son temps a un côté très accessible au grand public et une forte propension à la provocation.
Une particularité de l’art contemporain est de se permettre de tout utiliser comme matériel de création. Par exemple Lionel Sabatté, artiste qui a été sélectionné en 2016 pour venir travailler en résidence à Grenoble dans la résidence Saint Ange.
A ce moment-là il travaille en versant de la peinture sur des toiles posées au sol. Il avait avant cela fait une série d’oeuvre faites à partir de poussière récupérée dans le métro parisien, avec cela il a réalisé de œuvres sur toiles mais aussi des sculptures et notamment des sculptures d’animaux comme ces loups par exemple.
Après son passage à la résidence Saint Ange, Lionel Sabatté ne se contente plus de récupérer dans son environnement un matériel considéré comme un déchet qu’il sacralise en le transformant en œuvre d’art, il se prend lui-même comme source de matière à travailler : il récupère ses rognures d’ongles, ses peaux mortes et en fait des œuvres :
Étonnamment l’origine du matériau utilisé ne se perçoit pas. Le numineux fonctionne ainsi parfaitement : attirance vers l’objet, fascination par sa beauté, sa structure, son installation. Un fois l’observateur proche, il lit la description et là le saisit le sentiment du dégoût, il est repoussé par l’idée de l’origine de la matière qui lui fait face. Le spectateur vient de vivre un sentiment du sacré non religieux, le sentiment du numineux. Mais peut-être également peut-on voir ici une sorte de rituel religieux. En effet, dans la religion chrétienne, au moment de la communion, le croyant ingère un morceau de pain non-levé qui symbolise le corps du christ. Pour le croyant il n’y a pas là de figuration : il ingère une partie du corps du christ, il mélange à lui profane un morceau de sacré. En mettant en vente des morceaux de son corps, l’artiste ne se situe-t-il pas sur le même registre ? Une partie de son corps est emportée par le collectionneur chez lui, par le musée, par la galerie et se transforme en objet de culte en quelque sorte puisqu’il est exposé, regardé, commenté.
Mais Lionel Sabatté se contente de nous vendre des peaux mortes et des rognures d’ongles magnifiquement mises en forme, longtemps avant lui, en 1961, Piero Manzoni était allé plus loin. En effet, même si les rognures d’ongles et les peaux mortes sont des déchets, ce sont des objets que nous pouvons imaginer toucher sans ressentir trop de dégoût. Il en va tout autrement de nos excréments : la majorité des humains, contrairement aux animaux, sont dégoutés par leur déjections et n’imaginent certainement pas les toucher. Pourtant Piero Manzoni a vendu 90 boîtes de conserves dont chacune d’elles contenait des déchets de son propres corps : son caca.
La boîte nous indique la quantité de produit contenu, le fait que le contenu a été mis dans la boite dans un état ‘frais’, au sens récemment produit du terme, ainsi que la date à laquelle l’objet a été produit et mis en boite… et oui, il s’agit toujours bien de caca dont nous parlons. Pour l’anecdote, cette œuvre est encore aujourd’hui très prisée par les collectionneurs bien que des problèmes d’étanchéité des boites de conserve ait provoqué quelques fuites… Ce cas extrême pourrait être vu comme une blague, une anecdote mais au contraire il me semble tout à fait intéressant : la curiosité attire le regard vers l’oeuvre, la prise de conscience du contenu de l’oeuvre dégoute et le sentiment du numineux se crée, la fascination opère et le collectionneur achète littéralement ‘de la merde en boîte’ non pas en ayant l’impression de se faire avoir mais avec la conviction d’être en possession d’une œuvre d’art sacrée au sens non religieux. Le déchet le plus infâme est transformé on objet de vénération par l’artiste.
L’art contemporain nous déroute, nous choque, il bouscule les codes du sacré religieux, il bouscule les codes de ce qui est noble ou pas, de ce qui doit se jeter ou s’admirer. J.P. Cometti dans son livre La force d’un malentendu, essai sur l’art et la philosophie de l’art, en 2009 nous dit que l’art à un effet en utilisant des codes qui font appel à la mémoire et aux habitudes, aux mœurs partagées et partageables. L’art contemporain utilise et dénonce ces codes en même temps.
L’art contemporain bouscule aussi notre rapport à l’oeuvre elle-même. En effet, un des aspects qui donne une forme de sacralité à l’art est le fait qu’il soit interdit de le toucher : dans un musée, une exposition, le spectateur est maintenu à distance respectable de l’oeuvre pour éviter la dégradation de celle-ci. L’art contemporain change cela en ce qu’il nous autorise parfois le contact et parfois même demande au spectateur d’entrer en contact. Il y a quelques années au Magasin de Grenoble, un œuvre d’art contemporain invitait les visiteurs à faire l’oeuvre : des feuilles blanches et un photocopieur étaient à la disposition des visiteurs qui installaient leurs créations sur une installation prévue à cet effet. L’artiste imagine un concept et fait réaliser ce concept non pas par des artisans mais par le spectateur de l’oeuvre, il devient alors artiste et visiteur en même temps. De cette façon l’art contemporain se désacralise lui-même puisque loin de rester distant et inaccessible il se rend accessible et se construit en même temps qu’il se regarde.
Dans un autre genre, le musée Guggenheim a dans sa collection permanente une œuvre de Richard Serra intitulée La matière du temps, installée entre 1995 et 2005. cette œuvre gigantesque située dans une pièce du Musée demande à être touchée. En effet, pour la voir, il faut rentrer à l’intérieur de l’oeuvre, ça n’est pas seulement le regard qu’investit l’oeuvre mais bien la totalité du corps, il faut entrer dans l’oeuvre physiquement avec la totalité de notre corps pour pouvoir voir l’oeuvre. À ce moment nous sommes à la fois spectateur de l’oeuvre et partie intégrante de l’oeuvre puisque notre corps est à l’intérieur de l’oeuvre. L’art contemporain par là nous impressionne, la structure est énorme et en même temps nous fait participer à ce plus grand que nous, cet au-delà de nous en nous immergeant en lui. C’est comme si tout en étant fasciné par l’oeuvre qui a un caractère sacré nous devenions nous-mêmes une part de ce sacré en nous y plongeant.
L’art contemporain est donc un art de son temps, l’ère du capitalisme économique, il y est intégré comme un élément de l’économie et il prospère dans des sphères de loisirs de luxe. Mais il est aussi privilégié dans sa façon d’être soutenu par les institutions et ainsi il devient moins élitiste puisque tout le monde peut l’admirer dans les musées. A noter qu’il a une place séparée du reste de l’art puisqu’il est exposé non pas dans les musées classiques mais dans des musées spécialisé en art contemporain. Dans cette ère de l’argent et des milliardaires, l’art contemporain navigue à son aise et pourrait avoir complètement quitté la sphère du sacré religieux mais non, il est aussi intégré en partie dans la tradition chrétienne qui lui fait une petite place dans ses lieux de cultes. Quant à son caractère sacré en tant qu’art, nous avons vu que l’art contemporain conserve cette action sur le spectateur qui produit le sentiment du numineux tout en se rendant plus accessible au spectateur et en comblant ainsi en partie la séparation nécessaire entre le sacré et le profane. Il semble que l’art contemporain ne se laisse pas mettre dans une case, qu’il soit capable de prendre tous les rôles possibles : sacré religieux, sacré laïque, non-sacré. C’est peut-être ce qui le caractérise : l’art contemporain est à l’aise partout.
Commentaires récents