Dans ce cours essai, afin d’apporter un début de réponse à la question : « si révolution quantique il y a, quelle est sa nature ? » nous procédons en trois temps. Tout d’abord, une révolution implique un changement radical par rapport à quelque chose, il faut donc connaître la situation avant l’avènement de la physique quantique. Pour cela, dans une première partie nous présentons rapidement la physique classique et la relativité. Dans une seconde partie, nous présentons rapidement la physique quantique en général avec ses différentes parties. Enfin, dans un troisième temps, nous voyons s’il est possible de parler de révolution en abordant la question sous trois aspects : technologique, expérimental et ontologique.
Si la mécanique quantique est une révolution, alors elle l’est par rapport à quelque chose d’autre qui existait avant elle : la physique classique et la relativité. Nous utilisons pour cette première partie les données fournies par Domain of Science, une chaine youtube de vulgarisation scientifique présentée par Dominic Walliman. La vidéo utilisée ici s’intitule ‘la carte de la physique.’
La physique classique correspond à la vision que nous avions du monde aux alentours des années 1900. Les lois du mouvement d’Isaac Newton au XVIIème décrivent le déplacement des objets solides. Newton établit aussi la ‘loi de gravitation universelle’ par laquelle il unifie le mouvement des planètes et la chute des objets. Les mathématiques sont essentielles dans la physique, elles sont le langage de la physique, et le calcul infinitésimale créé par Newton est utilisé pendant des siècles en physique. Il travaille aussi en optique : la physique de la lumière et la physique du mouvement de la lumière utilisés dans les télescopes ont permit le développement de l’astrophysique et la cosmologie. L’optique est liée à la théories des ondes qui explique comment l’énergie peut être transporter par des vaguelettes sur un étang ou par une onde sonore. La lumière se déplace seule, sans support et peut même voyager dans le vide de l’espace mais elle suit tout de même des lois, celles des ondes : la réflexion, la réfraction et la diffraction. On voit déjà apparaître ici une distinction entre deux sortes d’objet : les corps solides et les ondes.
Les lois de Newton donnent la mécanique classique qui décrit les déplacements d’objets fait de matière solide : on applique une force aux objets solides, ils bougent, comment bougent-ils ? Que se passe-t-il lorsque plusieurs objets solides sont joints, comme par exemple dans un immeuble, un pont, un engrenage ?
Pour les fluides, les liquides ou les gaz, la mécanique des fluides permet de comprendre leur comportement et leur mouvement.
L’électromagnétisme, la description du comportement des aimants, de l’électricité et des champs électriques et magnétiques en général est mis au point pas le physicien James Clerk Maxwell au XIXème siècle. Il découvre que l’électricité et le magnétisme sont deux aspects d’une seule et même chose : l’électromagnétisme. Les équations de l’électromagnétisme décrivent la lumière comme une onde électromagnétique. C’est également l’électromagnétisme qui explique le fonctionnement de l’électricité.
La thermodynamique décrit l’énergie et comment cette énergie passe d’une forme à l’autre.
Au début du XIXème siècle, l’état des connaissances scientifiques amenaient à penser que l’univers était une sorte de machine parfaitement conçue, uniquement basée sur les lois des causes et des effets et donc prévisible. En théorie, les scientifiques et les philosophes matérialistes de l’époque pensaient que si nous avions suffisamment de connaissances précises de tout ce qui est maintenant, il nous serait alors possible de prévoir de manière fiable ce qui va se passer après. Mais des éléments échappaient encore à cette compréhension : l’orbite de Mercure trop rapide, les interactions entre électrons et lumière, notamment.
La relativité vient chambouler cet édifice scientifique. Albert Einstein a développé ses théories de la relativité restreinte et générale au début du XXème siècle. La théorie de la relativité restreinte prédit que la vitesse de la lumière est constante pour un observateur ce qui a d’étranges conséquences : si un objet se déplace de manière constante à la vitesse de la lumière, alors le temps qui peut ralentir. Cette même théorie établit que l’énergie et la matière sont deux aspects d’une même chose, cette affirmation qui n’est pas évidente pour une personne non scientifique, est traduite par une formule qui est pourtant connue de tous, scientifiques ou non : E = mc2, c’est-à-dire l’énergie est égale à la masse de la matière multipliée par la constante de la vitesse de la lumière dans le vide élevée au carré.
La théorie de la relativité générale lie l’espace et le temps comme deux éléments appartenant à une même chose : l’espace-temps. Cette affirmation n’est pas non plus une évidence empirique : dans notre vie de tous les jours nous avons l’impression que le temps est une chose et l’espace une autre et nous n’établissons pas un lien entre les deux. Par cette théorie de la relativité générale, Einstein explique que la gravité n’est pas la force mystérieuse que décrivait Newton mais qu’elle vient du fait que les objets immenses et massifs que sont les planètes déforment, courbent l’espace-temps ce qui fait que les objets tombent vers eux.
Nous voyons grâce à cette première partie qu’à plusieurs reprises dans l’histoire de la physique que des éléments distincts se retrouvent liés par l’évolution des connaissances scientifiques : l’électricité et le magnétisme, l’énergie et la matière, l’espace et le temps. Il reste une distinction : un objet étudié se comporte soit comme un corps et suit les lois de la mécanique classique, soit comme une onde et suit les lois de la mécanique des fluides ou de l’électromagnétisme. La mécanique quantique remet cette distinction en question. Mais plus généralement voyons ce qu’est la physique quantique et décrivant rapidement ces différents aspects.
La théorie atomique veut établir la nature de l’atome. Elle part de la description d’une sphère et arrive aux électrons comme distribution de charges ressemblant à des ondes. Elle passe par les étapes des orbites des électrons et des niveaux d’énergie. La physique de la matière condensée décrit comment de nombreux atomes regroupés se comportent, qu’ils soient liquides ou solides. La physique nucléaire s’occupe du noyau des atomes et explique la radiation, la fission ou l’explosion nucléaire des centrales nucléaires par exemple, et la fusion nucléaire du soleil. La physique des particules cherche ce qui constitue la matière, les particules subatomiques fondamentales. La théorie quantique des champs associe la physique quantique à la relativité restreinte pour nous donner une description de l’univers.
La mécanique quantique décrit une échelle microscopique, de l’ordre du micron et reste au niveau d’une petite quantité d’éléments, une faible quantité d’énergie et des éléments de taille faible et veut décrire, expliquer, prévoir un système physique dans cette structure. Alors que la physique classique est déterministe, on peut prévoir l’état d’un système à un instant t+1 si on a l’état de ce système à l’instant t, en mécanique quantique on ne connait pas forcément exactement l’état du système au départ, l’état quantique de départ est traduit en mathématique et contient des données indiquant le degré d’ignorance de l’observateur. Alors qu’en physique classique un objet agit sur un autre qui lui est proche, ça n’est pas forcément le cas en physique quantique : dans le cas de particules intriquées, sans que l’on sache exactement comment, l’état d’une particule, si elle est intriquée à une autre, se modifie au moment où l’on perturbe sa particule intriquée, quelque soit la distance qui les sépare. Alors qu’en physique classique un objet se comporte soit comme un corps, soit comme une onde, en physique quantique un électron individuel se comporte comme un corpuscule, plusieurs électrons se comportent comme une onde. Alors qu’en physique classique une mesure sur un corps peut prendre n’importe quelle valeur, en mécanique quantique un électron ne peut prendre que certaines positions autour du noyau, certains niveaux d’énergie et pas d’autres. Alors qu’en physique classique le résultat d’une expérience donne des mesures précises, en mécanique quantique les résultats d’une mesure donne des probabilités de trouver telle ou telle mesure mais ses résultats sous forme de probabilité sont très fiables : la même expérience reproduite plusieurs fois donne les mêmes résultats de probabilités.
L’objectif des physiciens est d’arriver à unifier la physique quantique et la relativité générale, ils auraient alors une théorie de la gravité quantique : c’est un objectif important. Nous voyons avec cette seconde partie que la physique quantique travaille au niveau des atomes, cela paraît bien loin du quotidien des non-scientifiques alors cette révolution quantique, s’il y en une, ne serait-elle prégnante que dans la communauté scientifique ? Dans la troisième partie de cet essai, nous regardons les effets de la mécanique quantique à trois niveaux : technologique, expérimentale, ontologique.
Du point de vue technologique, nous pouvons dire que les applications de la physique quantiques ont vraiment révolutionné notre quotidien. Les ordinateurs sans lesquels nous aurions aujourd’hui du mal à être efficaces une seule journée contiennent des transistors dans lesquels des semi-conducteurs permettent leurs fonctionnement. Les règles des semi-conducteurs sont dictés par la physique quantique. Les écrans aujourd’hui sont presque tous rétroéclairés par des L.E.D. (light emitting diodes) qui utilisent également des semi-conducteurs donc de la physique quantique. Les appareils photo numériques utilisent des photodétecteurs, des petits pixels, qui créent un courant électrique grâce à la manipulation des niveaux d’énergie dans des semi-conducteurs. Dans les lasers, on excite des électrons qui émettent de la lumière et pour réaliser cette émission stimulée, il faut trouver des électrons avec des niveaux d’énergie similaires, cela est fait grâce à la physique quantique. Nos GPS sur nos téléphones peuvent nous dire où nous sommes grâce à la précision des horloges de satellites. Cette précision est maintenue grâce à la fréquence de transition entre deux niveaux d’énergie des atomes de caesium : encore de la physique quantique.
Les ordinateurs, les téléphones, les lasers, les GPS ont, en une centaine d’années, transformé aussi bien notre façon de travailler, de pratiquer la médecine, la science, notre façon d’apprendre et même nos loisirs. Les objets créés par les connaissances fournies par la physique quantique ont donc bien révolutionnés notre quotidien, en cela on peut dire que la physique quantique est une révolution.
Regardons maintenant l’aspect directement scientifique et la façon dont la physique et plus particulièrement la mécanique quantique a influencé l’expérimentation scientifique. Dans la physique classique les mathématiques sont utilisées pour prédire ce que l’expérience permettra de confirmer ou d’infirmer. En mécanique quantique, les objets ne nous étant pas directement accessibles, il nous faut passer par les mathématiques pour faire l’expérimentation. Au lieu de lancer une balle de tennis et de voir comment elle réagit, les propriétés des objets quantiques que l’on veut étudier sont traduits en état quantique c’est-à-dire en mathématiques. L’encodage de base que l’on fourni à la théorie quantique est le premier postulat de la mécanique quantique. Dans les cas où des propriétés de l’électron sont superposés, il est impossible, à partir d’un état de départ donné, de mesurer une des propriétés sans perturber la mesure de l’autre. D’autre part, dans les cas de particules quantiques intriquées, une mesure faite sur une particule modifie instantanément l’état de l’autre particule, quelque soit la distance qui les sépare. Dans le cas de la superposition comme dans le cas de l’intrication, nous constatons ce qui se passe avec l’expérience mais nous ne savons pas à quoi cela correspond physiquement dans la réalité. Nous restons à ce jour dans l’incapacité de dire ce que cela signifie physiquement pour une particule d’avoir des propriété superposées et nous ne savons pas non plus dire à quoi physiquement correspond un état intriqué. C’est également un changement radical par rapport à la physique classique où justement grâce à l’expérience nous pouvons constater si notre théorie est juste. Avec la mécanique quantique nous constatons ce que l’expérience nous donne, nous pouvons écrire en mathématique l’état de départ et l’état d’arrivée mais nous ne savons pas exactement, physiquement ce qu’il se passe au niveau des particules quantiques elles-mêmes. Il s’agit donc ici d’une sorte de révolution dans la façon dont le scientifique doit procéder pour faire ses expériences.
Du point de vue ontologique, c’est-à-dire sur la question de savoir de quoi est fait le monde, la mécanique quantique nous interroge également. Il y a des réalistes et des anti-réalistes scientifiques. Pour les premiers, la science nous décrit le monde de plus en plus précisément en progressant et les atomes décrits par la mécanique quantique correspondent au réel. Pour les seconds, soit la science ne dit rien du réel, soit il n’est pas possible de savoir si elle nous décrit le réel. Ces deux positions extrême sont séparées par une quantité de positions intermédiaires. La mécanique quantique donne des prédictions très rigoureuses et très utilisées d’ailleurs et donc en pratique irréfutable puisque ‘ça marche’ dans le monde mais alors que nous dit-elle du monde ? Comment interpréter le fait qu’on ne puisse pas connaître avec précision à la fois la position et la vitesse d’une particule par exemple ? Comment interpréter le fait que l’état d’une particule soit modifier si l’on perturbe la particule avec laquelle elle est intriquée et qui se trouve à des kilomètres de là ? Le principe d’incertitude d’Heisenberg décrit le fait qu’on ne peut pas connaître avec certitudes certaines valeurs des particules quantiques, celle qui sont superposées. Une des façons d’interpréter cela est de dire que les particules, avant qu’on les mesure, n’ont pas de valeurs définies pour les propriétés que l’on souhaite mesurer, elles ne prennent une valeur que si, d’une certaine manière, on les force à en prendre une au moment de la mesure. C’est ce que dit Etienne Klein dans une conférence enregistrée en 2018 intitulée ‘Qu’est-ce qu’un objet ?’. Cette interprétation peut se voir comme une révolution ontologique : la matière ne serait alors pas constitués d’objet avec des contour bien déterminés, ayant une position bien déterminée dans l’espace, et donc dans le temps, d’après Einstein, mais au contraire composés d’éléments aux contours flous et avec des propriétés qui nous échappent puisqu’elles ne se révèleraient à nous que sous l’effet de notre action sur les particules et non parce qu’elles pré-existeraient à notre mesure.
Nous avons donc vu qu’alors que la physique classique nous décrit le monde à notre échelle, la physique quantique nous décrit le monde microscopique. Cette physique quantique agit pourtant quotidienne dans le monde à notre échelle via nos objets du quotidien que sont nos smartphones, nos ordinateurs, nos écrans. Pourtant, malgré son incontestable action dans notre monde, les règles qui dictent la mécanique quantique sont difficiles à interpréter philosophiquement : une partie de ce qui se passe au niveau quantique nous échappe, nous ne savons pas l’expliquer bien que nous le constations, il ne nous reste alors qu’à formuler des hypothèses. Ce qui est intéressant c’est que même si un jour nous arrivions à décrire parfaitement ce qui se passe au niveau des particules quantique, elles ne sont que les éléments qui composent la matière or la matière ne compose que 5% de l’ensemble de ce qui est dans l’univers, les 95% restant sont de la matière et de l’énergie noire dont nous ne savons presque rien. Nous sommes donc à la recherche d’une interprétation pour interpréter le monde par la mécanique quantique alors que ce même monde est composé à 95% d’éléments qui radicalement différents de ceux de la mécanique quantique. Pourtant, si l’on considère le monde comme ce qui nous est accessible et ce avec quoi nous interagissons au quotidien alors ces petits 5% de matière que nos cherchons à comprendre depuis tant d’années représentent bien la totalité de notre monde : c’est avec la matière que nous vivons notre quotidien, c’est elle que nous façonnons et utilisons pour vivre. C’est pour cela que la mécanique quantique vient tellement perturber notre perception du monde. Tout comme Maxwell a unifié l’électricité et le magnétisme, Einstein l’espace et le temps, il nous faut unifier la physique quantique et la relativité générale pour arriver à une description du monde qui comprenne à la fois l’infiniment grand et l’infiniment petit.
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