Désir de toi

Désir de toi

Je veux ton corps, je veux tes mains, je veux mon corps avec le tien. Je n’en peux plus de te désirer et pourtant rien n’est à changer. Tel que nous sommes c’est tellement bon, un peu refuge, un peu prison. Sécurité, protection, foyer et exclusion de tous les autres, sans hésitation. Les mots me bercent et je les laisse se déverser. Envie de dire ces trucs débiles qui avec toi ne le sont pas. Mon homme, mon amour, mon idylle, toi et moi, tous les deux sur notre île. Face au monde, seuls contre tous, nous sommes solides. Face à tous, leur autre monde, de toi et moi nous sommes avides. Tu n’es pas là et je soupire, mon corps te veux, je te désire. Plus aujourd’hui, plus ici, plus à présent et pour tout l’temps? Je ne sais pas et je m’en fous, ce que je sais, c’est maintenant. Et aujourd’hui, je te veux toi, je te veux tout, je te veux, oui… Quelques jours seulement nous séparent de notre point de départ. En quelques jours rien n’est calmé, ni mes envies, ni mes envolées. Je te parle, tu m’écoutes, tu m’embrasses et je te goûte. C’est tout mon être qui ce matin est dans ma tête avec le tien. J’ai envie de toi à en crever, je me tortille et je soupire, quelle volupté! Quand enfin je sentirai dans mon corps un peu du tien, quand alors je laisserai aller le mien… ça sera bon, ça sera grand, ça sera bien, ça sera puissant, ça sera toi, ça sera moi formant un tout, un agrégat…

Je sais bien que rien ne dure, je sais bien que cette flamme des débuts est vouée à mourir mais tant que c’est là, tant que je peux, je savoure ce rêve doux et heureux : je suis à toi, tu es à moi, rien ni personne ne nous arrêtera. J’ai envie de pleurer dans tes bras, j’ai envie de jouir avec ton corps, j’ai envie de rire, encore et encore. Ah! Si seulement il était possible de garder ces moments, d’éviter le pénible… Mais rien au monde ne m’empêchera de me régaler de la douceur de tes bras. Je m’en fous que tu sois marié, c’est bien que tu sois pris, car avec moi, tout à un prix… Je suis toute femme et pétillante puis je suis flamme et emmerdante. Alors garde ta partenaire de vie mon amour et ne fais rien pour moi car aujourd’hui je suis à toi mais je ne sais pas si cela durera… Je te veux tout, je te veux toi et toi, tu dois te méfier de moi. Donne-moi ton corps, donne-moi ton âme, fais-moi vibrer, fais-moi crier mais n’oublie pas, comme un mirage, d’un coup, je peux m’évaporer!

Chaque parcelle de ma peau te réclame, depuis ce matin, je n’arrive pas à oublier. Mes yeux se ferment, mon corps se tend, je suis avec toi pour un instant. Emporte-moi dans l’autre monde, celui où rien n’est à jeter, celui où tout est à créer. Viens avec moi en corps à corps, dansons ensemble sur nos accords. Je te veux tendre, je te veux dur, je te veux doux, je te veux sûr. Je me sens femme, je me sens belle, je me sens calme, je me sens celle qui avec toi s’envolera vers là où tout est à la fois : tendresse et violence, caresse et cadence, soupir et silence, plaisir et jouissance! Partons ensemble à l’aventure au doux pays de la luxure. Viens avec moi oui je t’emmène là où rien ne nous fera de la peine. Tournons ensemble l’horloge du temps, arrêtons-nous, rien qu’un instant. Hors de ta vie ou de la mienne, offrons-nous de jolies scènes. Des moments forts, des moments doux, des moments rudes, des moments fous. Plus rien ne compte, plus rien n’existe, seuls toi, moi, nos envies, persistent. Nous dessinons à l’encre de nos corps la joie de l’amour sur les draps de nos accords. Bientôt nous nous donnerons l’un à l’autre, bientôt notre tendresse, nos rires, nos regards se mêleront dans le feu de l’amour que nous ferons. Je t’attends et je ne suis pas pressée, je te veux maintenant et je souris de patienter. Merci pour tout, merci pour toi, merci pour ça, je suis dingue de toi!

14 avril 2021, Spiralex

Vous aimer… malgré tout…

Vous aimer… malgré tout…

C’est dur de vous aimer, malgré tout ce que vous pensez… J’aime les gens, je les trouve beaux, intelligents. Vous vous méfiez de tout le monde, sauf de ceux qui vous ressemblent. Je suis convaincue de la force de l’État, de son pouvoir décideur, protecteur. Vous voulez le laissez faire, évoquez le mérite, le ruissellement, des mythes. Je trouve qu’il est juste et logique de payer selon la taille de son pécule, je suis choquée par l’évasion fiscale, ne comprends pas comment l’optimisation fiscale peut être légale, et vous le pratiquer, trouvez cela normal. Je base la majorité de mes croyances sur la science, car c’est, à ma connaissance, ce qui se rapproche le plus de la vérité, j’écoute, je m’informe, j’apprends du consensus scientifique, quelque soit le domaine : histoire, sociologie, psychologie, économie, physique, biologie, neurologie, virologie, climat, et cætera. Vous vivez sans sourciller sous le règne de l’opinion, ce que vous croyez, sans le questionner, vous en chercher la validation chez des pseudo-journalistes qui ne véhiculent que leur point de vue au détriment de la recherche de la vérité.

Vous pensez que vous avez réussi seuls, sans personne pour vous aider, sans voir l’école, le pays dans lequel vous vivez, l’éducation de vos parents, le confort dans lequel vous viviez comme des privilèges, des aides fondamentales et exceptionnelles. Vous pensez que les personnes sans emplois sont majoritairement des fainéants qui ne font aucun effort pour travailler. Vous pouvez dire, sans que vos propres mots ne vous rendent malades, que ceux qui estiment ne pas gagner assez d’argent n’ont qu’à prendre deux emplois sans réaliser une seconde que c’est le cas pour beaucoup de personnes très mal payer, d’une part, que le corps humain à ses limites, d’autre part et sans, enfin, vous rendre compte de ce que cela veut dire de gagner moins de 1700€ par mois, ce qui est le cas de la moitié des personnes recevant un salaire dans notre pays. La quantité d’argent dont vous disposez vous permet d’acheter tout ce que vous voulez, le nécessaire à pris d’or, le superflus et plus encore, sans jamais compter, sans jamais vous limiter et vous penser que cela vous le devez à votre travail uniquement, à aucun moment vous ne voyez d’injustice dans tout cela : le fait que vos salariés gagnaient dix fois moins que vous ne vous choque pas car pour vous ‘le risque’ c’est d’investir dans une société. Le fait de porter des charges lourdes, de travailler 35h par semaine pour à peine 1000€, le stress qui en découle du fait qu’il est presque impossible de payer ses charges fixes et de manger sans finir le mois dans le rouge ne vous effleure même pas. Cela vous choque si je vous dis que perdre de l’argent n’est pas un risque puisqu’à aucun moment votre corps, votre santé n’est mis en danger, cela vous choque si je vous dis que celui ou celle qui travaille pour très peu d’argent est physiquement, matériellement, réellement en danger mais pas celui qui investi de l’argent.

Pour vous je suis une extrémiste de l’ultra-gauche parce que j’estime qu’il est révoltant, choquant, immonde qu’il soit permis à des individus ou des entités privées de posséder des milliards, que ce genre de montant ne devrait être légal qu’entre les mains d’un État et au bénéfice du commun. Cela vous fait peur, vous vous sentez menacer personnellement alors que vous êtes loin, vraiment très loin de boxer dans cette catégorie bien qu’elle vous fasse, apparemment, tellement envie! Vous croyez encore à la théorie du ruissellement, ce mythe démenti scientifiquement, factuellement depuis des dizaines d’années qui voudrait qu’en laissant les plus riches accumuler sans restriction ils vont, par leur consommation, faire ruisseler leur argent vers les moins riches : ça ne marche pas comme ça! La réalité c’est que nous avons collectivement laissé des multinationales, des individus s’enrichir au-delà de tout ce qui est imaginable pour 99% d’entre nous et que les inégalités de richesse de sont creusées : les pauvres sont un peu moins pauvres qu’avant mais les riches sont tellement plus riches que l’écart entre eux s’est énormément creusé. Le ruissellement est un mythe, et vous y croyez encore, alors vous accumulez et vous dépensez, sans compter, en vous pensant ainsi bons citoyens, vous croyez accomplir votre devoir, réaliser la mission qui vous a été confiée.

Et bien sûr, pour vous conforter dans votre croyance, il faut que les écologistes soient tous des cons, des emmerdeurs, des tarés qui nous emmerdent pour rien avec leur théorie fumeuse de réchauffement climatique, de perte de biodiversité, de pollution, de diminution des matières premières disponibles : il faut produire, vendre, s’enrichir et continuer comme ça, sans réfléchir, ou alors juste réfléchir à comment faire pour continuer de produire, vendre, s’enrichir. Pourquoi? Parce que le capitalisme à sorti les gens de la misère, parce que c’est l’argent qui permet aux gens d’être heureux et que plus l’économie croit, mieux c’est et vive le PIB! Sauf qu’une fois de plus, la science vient démonter vos croyances mais vous ne l’écoutez pas : oui dans un pays où l’éducation, la nourriture et la pauvreté sont le lot quotidien, la croissance économique permet d’améliorer le confort de chacun mais une fois que plus ou moins tout le monde à un toit, de quoi manger, l’accès à l’école, à l’eau potable alors la croissance du PIB n’amène plus rien, voir même elle plombe la population. Autrement dit atteindre un minimum de PIB pour que la population soit logée, nourrie, qu’elle ait un tout-à-l’égout, accès à un système de santé, à l’instruction, oui, mais après continuer de croitre en PIB ne fait qu’engraisser les plus riches et stresser, emmerder, enfoncer les autres.

Si vraiment il suffisait d’avoir une croissance permanente du PIB pour être bien en tant que peuple, la France faisant partie des premières puissances mondiales serait un paradis sur terre, c’est loin d’être le cas! Non pas parce que les français sont des râleurs mais parce que concrètement, matériellement, physiquement la majorité des français ont un travail qu’ils n’ont pas choisi (quand ils en ont un), qu’ils doivent à tout prix garder ce travail car ils sont obligés, pour survivre, de payer pour leur logement, pour assurer leur logement, de payer pour leur nourriture, pour l’eau potable, pour la gestion de leurs ordures, pour le chauffage de leur logement, pour l’éclairage de leur logement, pour leurs vêtements, pour leurs déplacements… Bref, chaque pas qu’ils font dans la vie est payant et le travail qu’ils ont leur permet à peine de couvrir tous les frais que la vie dans cette société moderne, contemporaine leur impose. Et en plus, comme ce développement économique s’est fait sans aucune réflexion maintenant il faut avoir une voiture mais il faut culpabiliser d’avoir une voiture, il faut s’acheter à manger mais il faut culpabiliser d’acheter des produits emballés qui créent des tonnes de déchets, il faut avoir un logement mais n’avoir aucun choix quant au loyer payé pour se loger, etc… Et vous, qui avez le choix, qui baigner dans le confort, le luxe, qui jamais n’avez besoin de compter, vous pensez être privilégiés parce que vous le méritez, parce que vous avez fait ce qu’il faut pour en arriver là. Mais s’il suffisait de travailler beaucoup pour vivre confortablement, alors les infirmières qui travaillent bien plus que 35h par semaine seraient milliardaires, s’il suffisait d’avoir du mérite pour être reconnu alors les éboueurs grâce auxquels nous vivons dans un monde où nous pouvons ignorer nos déchets alors que nous en produisons des tonnes, seraient les rois du monde et recevraient notre éternelle gratitude. Si avoir deux boulots permettait d’être financièrement confortable alors les personnes qui font le ménage dans plusieurs sociétés de nettoyage gagneraient suffisamment bien leur vie pour pouvoir s’acheter ce qu’elles veulent, sans réfléchir. Mais ça n’est pas comme cela que le monde est, vous le savez et pourtant vous restez dans vos croyances, pourquoi?

Je crois que vous êtes terrifiés à l’idée que tout ce sur quoi repose votre système de pensée soit faux, irrationnel, irréel, alors vous m’en voulez, oui, vous m’en voulez terriblement de vouloir vous ouvrir les yeux. Vous me traitez moi d’incohérente : ben oui, me dites-vous, si vraiment tu étais cohérente avec tes idées d’extrême gauche, alors du donnerais tout l’argent que tu as à des pauvres et comme ça tu serais comme eux, et là tu pourrais vraiment parler, parce que c’est facile de parler de la misère des autres quand on n’a pas à aller à l’usine. C’est vrai, grâce à l’argent que vous m’avez donné, j’ai la chance d’avoir pu travailler pendant 12 ans dans la société que j’avais créé, sans jamais me payer, sans jamais gagner d’argent avec cette société, sans en perdre trop non plus sinon je n’aurais pas tenu 12 ans mais oui, c’est vrai, je suis une privilégiée. Sauf que j’ai choisi d’utiliser ce privilège pour passer du temps avec mes enfants et travailler juste un peu pour me sentir utile, sans me mettre la pression pour gagner de l’argent. Cela m’a permis de travailler à faire du bien aux autres, pendant 12 ans, sans jamais me préoccuper d’en profiter financièrement : j’ai eu le plaisir de faire plaisir, pendant 12 ans, de recevoir des remerciements sincères, chaleureux, reconnaissants, sans jamais avoir à me demander comment j’allais nourrir mes enfants et oui, c’est une grande chance, je vous en suis reconnaissante. Seulement la façon dont je me sers de cette chance, je ne l’ai pas apprise de vous, car si je vous avais écouté, je serais restée cadre dans une multinationale et j’aurais cherché à toujours gagner plus, malgré ce que j’avais déjà.

Aujourd’hui j’ai vendu ma société et je suis retournée sur les bancs de la fac, j’étudie et peut-être, si j’arrive à réussir le concours, peut-être arriverai-je à enseigner et je vous confirmerai alors dans votre croyance que je suis une traitre à ma classe : non seulement je suis de gauche, alors que je devrais défendre les privilèges de la bourgeoisie et donc voter à droite, mais en plus je veux enseigner, faire partie de ce corps que vous mépriser car, selon vous, ils se plaignent tout le temps alors que ce sont des privilégiés. Mais oui! Gagner 2000€ au bout de 15 ans de carrière quel privilège! Se faire cracher dessus par des parents mécontents des notes de leur rejetons, quel privilège! N’avoir aucun soutien de sa hiérarchie ni de personne d’ailleurs, mais comme c’est bandant! Alors pourquoi aller vers ce calvaire me direz-vous? Parce si vraiment les enseignants sont tous des cons, que sommes-nous, nous parents, qui laissons nos enfants entre leur mains pendant que nous partons faire autre chose? Des criminels, des irresponsables, des indifférents au sort de nos enfants? Non, nous voulons le meilleur pour eux et une partie de ce meilleur consiste à leur donner de l’instruction et c’est pour cela que nous les mettons à l’école, pour ceux d’entre nous qui ont le choix en tout cas. Parce que soyons honnêtes : lorsque chaque mois il faut lutter pour finir le mois, l’école n’est pas un choix, c’est une nécessité, il faut un endroit où laisser les enfants en sécurité pendant que les adultes vont travailler pour pouvoir les nourrir, les habiller, les loger. Combien de parents sont dans ce cas? Une grande majorité je crois.

Et je crois aussi qu’il n’y a rien de plus beau que de forger des esprits en construction, leur apprendre à réfléchir par eux-mêmes (si toutefois l’école a encore cette ambition) les armer pour qu’ils puissent être bombardés à longueur de journée par des images, des mots et qu’ils puissent se dire : « attend une seconde, qu’est-ce que ça veut dire ce mot-là, dans cette bouche-là, à ce moment-là? » Pour qu’ils se questionnent, qu’ils remettent en question, et qu’ils avancent non pas sans se poser de question mais au contraire en ayant la volonté de progresser. Progresser réellement, c’est-à-dire pas se demander comment gagner le plus d’argent possible, car contrairement à ce qu’à dit un jour Emmanuel Macron, il n’y a pas de pire ambition dans la vie que vouloir devenir milliardaire : quelle tristesse, quelle manque d’ambition, quelle étroitesse d’esprit, quelle vide de pensée, quelle manque de valeur morale, quelle futilité que de penser qu’accumuler de manière aussi dégoutante autant de richesse matérielle puisse apporter quoi que ce soit à un être humain normalement constitué. Ce qui motive l’humain ça n’est pas la richesse matérielle mais bien la richesse morale, intellectuelle, affective : nous avons envie de nous sentir bien dans nos corps, bien dans notre tête, nous avons envie d’être aimer et d’aimer, d’être reconnus pour le bien que faisons autour de nous et rejeter le mal que nous répandons, nous avons besoin d’être acceptés tels que nous sommes et de nous accepter nous-mêmes avec nos faiblesses et nos qualités, c’est ça qui nous motive, c’est ça qui nous fait avancer! Gagner de l’argent n’est pas un but en soi puisque l’argent en soi ne sert à rien, il permet de se procurer des choses utiles, mais il n’est pas utile en lui-même. Et c’est choses que l’argent nous permet d’acheter, une fois que nous avons assez pour nous loger, nous nourrir, étancher notre soif et pouvoir nous payer un peu de loisirs, quel intérêt d’en accumuler plus? Aucun si ce n’est combler un autre manque que nous ne voyons peut-être pas : un manque affectif, un manque de confiance en soi, un manque de reconnaissance, un manque de sécurité psychique, mais en tout cas ça ne vient pas du tout comme une nécessité. Alors peut-être faudrait-il que tous les milliardaires et tous les dirigeants de multinationales hyper puissantes se fassent soigner, psychologiquement soigner car vraiment il n’y a aucune logique d’utilité, de nécessité dans cette accumulation obscène!

Et vous dans tout cela? Vous ma famille, vous qui êtes très très très loin de ces malades, de ces criminels, de ces irresponsables mais qui avez les mêmes idées, les mêmes désirs, les mêmes croyances mortifères qu’eux, je vous aime, malgré tout. J’ai honte de vos modes de vie, de cette façon dont vous dépensez toujours plus sans réfléchir aux conséquences de vos actes pour l’environnement notamment, mais je vous aime quand même. J’ai honte de vos idées intolérantes, racistes, parfois homophobes, anti-féministes, mais je vous aime quand même. Vous me blessez, vous me faites mal à me critiquer, à m’insulter même puisque vous n’hésitez pas à me traiter de conne à cause de mon mode de vie, de mes idées, mais je vous aime quand même. Je suis en colère contre votre ignorance, votre bêtise, vos affirmations sans fondement, mais je vous aime quand même. Je suis frustrée par mon incapacité à vous faire changer d’avis, à vous ouvrir les yeux, à vous influencer ne serait-ce qu’un peu, mais je vous aime quand même. Malgré tous vos défauts, malgré vos croyances foireuses, vos comportements néfastes, votre intolérance, je vous aime quand même. Vous m’avez appris la valeur du travail, même si m’avez toujours traitée de flemmarde. Vous m’avez appris à être honnêtes, même si aujourd’hui je découvre que vous être loin de l’être toujours. Vous m’avez élevée dans le confort et la sécurité matérielle, même si j’ai du payer le pris fort pour ce confort : n’être jamais assez bien, assez féminine, assez de votre côté, assez de droite, assez comme vous et n’être jamais valorisée, être du coup, parmi vous, toujours la paria, la bizarre, qu’on accepte mais qu’on voudrait bien changer. Je vous aime quand même, malgré le rejet, malgré la souffrance, malgré l’incompréhension, malgré le manque de tendresse, malgré tout, je vous aime quand même… et c’est dur, et j’en chie, et je redoute les repas de famille comme le noir craint le contrôle de police mais je vous aime quand même! Et aussi étonnant que cela puisse paraître, je sais que vous m’aimez aussi, car malgré mes idées, malgré nos disputes (nombreuses), malgré nos coups de gueule, nos prises de tête, nos bagarres vous m’appelez, vous me demandez de mes nouvelles et nous nous voyons toujours, une fois par mois, une fois par an, ça dépend mais nous nous voyons toujours et pour cela je trouve que nous méritons de nous féliciter mutuellement : je me félicite d’arriver, après toutes ces années, à vous aimer encore et je vous félicite, après toutes des années, d’arriver à m’aimer encore, bravo à nous et bisous!

Peurs d’Halloween

Peurs d’Halloween

J’ai bientôt 50 ans et j’ai peur chaque jour. Peur d’avoir été une mauvaise mère pour mes enfants, d’avoir trop couvé ma fille, de l’avoir saoulé avec mes mots au point qu’elle n’aime pas parler, de lui avoir tout dit trop tôt au point qu’elle n’ai plus envie de rien, peur de lui avoir transmis mon insécurité au point qu’elle se sente obligée d’être différente quand elle est avec ses amis. Peur pour mon fils de ne pas en faire assez, de ne pas lui fournir tout ce dont il a besoin pour se développer correctement avec sa particularité, peur de ne pas être suffisamment présente pour lui, de ne pas jouer assez avec lui. Peur d’être trop sur mon ordinateur ou mon téléphone et de passer à côté de moments précieux avec mes enfants. Peur de ne pas faire assez d’activités avec eux le week-end.

J’ai aussi peur de passer à côté de ma vie, de n’avoir pas su rester avec un homme, de ne pas avoir su choisir une carrière professionnelle, de ne pas avoir su me faire des amis, de ne pas être à la hauteur des études que j’ai reprises. Bref, j’ai peur tout le temps, tous les jours, presque à chaque moment de la journée, j’ai cette boule dans la gorge qui me serre, rend ma respiration difficile, fait battre mon cœur rapidement, j’ai peur tout le temps. J’aimerais avoir un peu moins de doutes, j’aimerais être sûre d’au moins quelques trucs. Sûre que j’ai fait de mon mieux en tant que mère, sûre d’avoir vraiment essayé de me sentir bien dans chacune de mes relations amoureuses, sûre de faire de mon mieux pour ces études. Oui, ça me ferait vraiment du bien de me sentir légitime au moins dans quelques domaines de ma vie, peut-être pas tous, mais au moins un ou deux. J’essaie de faire fermer sa gueule à ce putain de petit tyran intérieur qui me dit en permanence que je ne suis pas assez : pas assez affectueuse, pas assez joueuse, pas assez intelligente, pas assez gentille, pas assez bosseuse, pas assez courageuse, pas assez volontaire, pas assez persévérante, pas assez, pas assez, pas assez…

Face à ça je lutte, je refuse ces critiques sans arrêt négatives, je refuse de me laisser enfermer dans cet éternel pas assez et ça me demande un gros effort. Je me force à me dire que mes enfants ont l’air plutôt bien dans leur vie : ma fille n’aime pas trop son corps et ne se trouve pas très intelligente mais elle se choisit des vêtements qu’elle aime ces derniers temps alors qu’avant elle s’en foutait de sa tenue pourvu qu’elle lui cache les fesses. Elle a beaucoup d’amis et elle est régulièrement invitée à des fêtes et elle va souvent retrouver ses amis aussi. Elle aime rire, elle est fière que ses amis la trouve drôle, elle aime dessiner et elle veut avoir son bac. Elle est contente de faire une fête chez ma mère pour Halloween. Elle aime manger, elle aime danser quand elle réussit quelque chose. Elle sait m’envoyer balader quand je l’embête. Je crois que malgré le fait qu’elle a un père menteur, manipulateur et colérique, elle s’en sort plutôt correctement en terme de confiance en elle. A un moment elle m’avait dit qu’elle voulait mourir mais qu’elle ne le faisait pas par manque de courage, je crois qu’aujourd’hui elle a plus envie de vivre, j’en ai l’impression en tout cas.

Pourtant je trouve qu’il est vraiment difficile d’avoir envie de vivre à notre époque, d’avoir de l’espoir dans un avenir meilleur. La pollution de la planète, de l’air, de l’eau, de la nourriture, le changement climatique, la sixième extinction de masse en cours, cette anthropocène dans laquelle nous sommes entrés ne présage vraiment rien de bon. C’est peut-être une chance pour elle de n’avoir aucun intérêt pour la politique, pour l’écologie, pour l’économie, au moins elle ne voit pas le désastre dans lequel nous vivons. Elle ne se rend pas compte de la stupidité de ce système dans lequel une construction humaine, l’argent passe avant les réalités physiques : la préservation de notre planète, du vivant dont nous faisons partie. C’est tellement triste de voir l’humain capable de tellement de prodiges et pourtant s’avancer sans freiner vers la catastrophe. Nous perdons notre temps à nous demander quel dieu est mieux, comment gagner plus d’argent, qui est étranger et qui ne l’est pas et pendant ce temps le vivant meurt de notre inconscience, les humains meurent de notre indifférence, mais qu’importe, tant qu’il y a la croissance!

Je voudrais m’en foutre moi aussi, je voudrais arriver à accepter qu’il est hors de mon pouvoir de changer les choses, je voudrais accepter que je ne sers à rien et ne me concentrer que sur ma vie, que sur ce que j’aime, ce que j’ai envie de faire et foncer là-dedans. Seulement voilà, je ne sais pas : c’est vrai comment choisir une seule chose parmi tout ce qu’il y a d’intéressant à faire dans la vie? J’aimerais être doctoresse pour aider des humains à être en bonne santé, j’aimerais être avocate pour aider des humains à lutter contre les injustices qui leur sont faites, j’aimerais être institutrice pour aider les enfant à se préparer à la vie d’adulte, j’aimerais être chanteuse pour aider les humains à oublier leurs soucis, oui, je voudrais vraiment aider. Cette envie d’aider, cette nécessité que je sens de vouloir être utile à quelque chose, ça me mine, ça me bouffe, ça m’angoisse. Je voudrais que quelqu’un me dise : toi tu es faite pour ça, alors vas-y, fonce! Et que cela me donne une certitude et me permette d’avancer en étant motivée dans une direction et de m’y tenir.

A plusieurs moments dans ma vie j’ai entendu des gens me dire que j’étais courageuse. Quand je travaillais comme cadre chez Hewlett Packard et que j’ai choisi de ne travailler que 4 jours par semaine, juste pour avoir du temps pour moi, on m’a dit que j’étais courageuse et je n’ai pas compris où était le courage là-dedans. Quand je suis partie en congés individuel de formation pour passer de cadre à praticienne en massage bien-être on m’a dit que j’étais courageuse, et là non plus, je n’ai pas compris. Quand je dis aux gens que je vis seule avec deux enfants de deux pères différents, on me dit que je suis courageuse aussi. Quand je dis qu’à 46 ans je suis retournée sur les bancs de la fac pour étudier la philosophie, on me dit que je suis courageuse. Mais je ne vois pas de courage dans tout ça, je vois simplement des tentatives désespérées de trouver du sens dans ma vie et pour l’instant je ne suis pas sûre d’y être arrivée.

J’aimerais avoir trouvé jeune le métier de mes rêves, j’aimerais être aujourd’hui reconnue dans ma profession et me sentir légitime, installée. J’aimerais être tombée amoureuse d’une personne avec laquelle j’aurais vieilli, grandi, fait des projets et avec laquelle je serai aujourd’hui complice, mais ma vie ça n’a pas été ça pour le moment. Ma vie ça a été des changements de direction professionnelle, des changements de relation amoureuse, des incertitudes, des heurs, des disputes, des doutes, des envies de tout recommencer. Aujourd’hui je suis seule, mais je n’en suis pas fière, je n’en ai pas honte non plus, je ne me sens pas coupable de mon célibat mais n’ayant pas beaucoup d’amis non plus, je me sens souvent seule et cela me pèse. J’aimerais avoir des amis qui m’appellent, qui me demandent comment je vais, des gens avec qui je pourrais échanger sur mes projets, mes envies. Mais je ne sais pas trop me dire à part à des psys. Je sais écouter les problèmes des autres, je sais leur donner mon retour à travers mon vécu, je sais être claire, parler sérieusement tout en glissant un peu d’humour pour alléger mon propos. Je ne sais pas être sûre de moi, j’ai toujours l’impression de prendre trop de place, de trop parler, de parler trop sérieusement. Je m’emballe dans des conversations politiques, économiques, sociales mais je n’apporte rien, je ne fais qu’enfoncer des portes ouvertes, dire des évidences et puis rien. Ma vie est un cliché bobo : un joli discours et aucune action concrète.

Bien sûr j’aide les gens que je croise et qui ont besoin d’aide : dans la rue, au ski, dans ma vie, je suis toujours à l’affût de pouvoir donner mon aide à n’importe quel individu. J’ai massé des gens pendant 12 ans sans jamais gagner d’argent avec cette activité, mais je n’en retire aucune fierté car j’ai la chance de ne pas avoir besoin de travailler. Je suis bienveillante et profondément respectueuse de chaque personne que je rencontre mais ça ne m’apporte pas grand chose car finalement je reste en dehors de tout groupe social. Les bourgeois de ma famille me voient comme une traitre à ma classe, mes amis me voient comme une sorte d’OVNI à la fois sympa et insupportable, et je n’ai plus de collègue de travail parce que j’ai 30 ans de plus que les étudiants qui sont sur les bancs de la fac avec moi et que les professeurs ont un statut qui me laisse très à l’écart d’eux. Donc voilà, je suis là, à presque 50 ans à faire de mon mieux pour éviter de me laisser emporter par mes addictions. Je peux regarder des séries américaines pendant des jours sans m’arrêter, mais je n’en regarde plus une seule depuis plusieurs semaines. Je peux sortir et passer toute la nuit à boire des bières et fumer des joints mais ça m’amène à trouver hyper intéressants des gens qui sans alcool et sans joints n’ont rien en commun avec moi. J’ai une personnalité apparemment facilement sujette aux addictions et j’ai décidé d’arrêter d’éviter de sentir ma souffrance et m’abrutissant, alors je souffre, sans m’abrutir et ça fait mal.

J’espère que je vais réussir à avancer malgré tout. Peut-être que je ne vais pas faire un mémoire de master fantastique, c’est vrai, certainement que ces quelque dizaines de pages ne serviront à rien, à part à me valider mes études, mais c’est déjà pas mal. Peut-être que choisir de traiter du sujet de l’inégalité chez Jean-Jacques Rousseau n’était pas la meilleure idée que j’ai eu, mais après tout, si je change d’idée tous les deux mois, je n’arriverai jamais à produire un travail construit au bout des deux ans et c’est quand même ça l’objectif : arriver à avoir mon diplôme. Oui les autres étudiants ont l’air d’avoir des sujets qui sont bien plus intéressants que le mien, ils ont l’air bien plus capables que moi de faire de la philosophie, de réfléchir de manière construite et intelligente et bien tant pis, c’est comme ça : j’aimerais être au-dessus du lot, mais je ne le suis pas du tout, je suis juste une étudiante moyenne et il faut que je l’accepte. J’ai les larmes aux yeux en l’écrivant : c’est dur pour moi d’accepter que je n’ai rien d’exceptionnel mais il faut que je me fasse une raison. Oui je me sens différente, oui j’ai eu une vie bizarre, étrange par rapport à tous les gens que je connais, mais ça n’est pas parce que je ne fais rien comme tout le monde que je vais réussir à faire quoi que ce soit d’exceptionnel, au sens où je l’entends, c’est-à-dire quelque chose qui change un peu en mieux la destinée de l’humanité. Oui j’aurais aimé être importante, apporter quelque chose au monde qui le rende un peu meilleur, ça m’aurait rassurée sur mon utilité, j’aurais pu plus facilement me dire : « c’est bon, tu as reçu beaucoup de biens matériels à la naissance, tu as reçu une bonne santé, un physique dans les normes hautes des critères esthétiques de ton temps et tu as fait quelque chose de tout ça, regarde, tu as apporté ça au monde, tu as rendu à la hauteur de ce qui t’as été donné. » Mais non, en fait il semble qu’il faille que je me fasse à l’idée que j’ai reçu beaucoup et que je n’ai pas grand chose à donner en retour. C’est comme ça, je n’ai rien d’exceptionnel même si je ne rentre dans aucune case.

Peut-être aussi que j’ai du mal à accepter qu’avec toutes ces facilités que j’ai reçu, j’ai aussi vécu beaucoup de souffrances, de maltraitances, d’agressions et au lieu de regarder tous ces maux, de voir comme ils m’ont handicapée et m’handicapent encore, je refuse de les voir, d’y penser et ainsi je ne vois pas mon handicap et je ne peux pas l’intégrer.

Je m’appelle Céline, j’ai bientôt 50 ans et j’ai subi de nombreuses agressions. Des agressions sexuelles précises au sens où elles sont clairement identifiables, des viols. Un a 15 ans, un à 25 ans. Et puis des agressions sexuelles moins claires, au sens où il n’y a pas un mot précis qui permet tout de suite de voir de quoi il s’agit. J’ai été accostée dans la rue, dans des bars, par des gens qui pensaient qu’il était normal de me parler comme si j’étais un bout de viande sur lequel ils avaient une sorte de droit. J’ai été traitée comme un objet sexuel par des gens qui pensaient que comme j’acceptais de coucher avec eux alors ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient avec mon corps, sans vérifier si j’étais d’accord. J’ai été harcelée par des gens qui pensaient que parce qu’ils avaient envie de moi alors il fallait que j’ai envie d’eux et qui voulaient me faire changer d’avis si moi je ne voulais pas. J’ai été séquestrée par une personne qui pensait que parce qu’on couchait ensemble alors je n’avais pas le droit de la quitter et qui m’a hurlé dessus pendant des heures avant de me laisser sortir de son appartement. Oui j’ai subi beaucoup d’agressions. Et ça a commencé petite, au collège quand j’ai invité un garçon à passer le week-end chez moi, qu’il est entré dans ma chambre le matin, a violemment retiré la couette qui couvrait mon corps et a vu mon pubis que ma chemise de nuit ne couvrait pas à ce moment-là. Il a ensuite raconté à la classe le lundi matin ce qu’il avait vu et j’ai été moquée parce que mon pubis n’avait pas de poils… étrange d’ailleurs de se moquer d’un pubis prépubère dans un monde où justement il est demandé aux personnes qui ont une vulve de la rendre glabre pour qu’elle soit désirable. Parce que j’étais plutôt du genre garçon manqué, que je trainais beaucoup avec des garçons, alors on m’a largué pour une autre en me disant « sans rancune, hein, on reste pote? » comme si je ne comptais pour rien, que je ne ressentais rien. On m’a quittée aussi une autre fois en me disant que vivre une relation avec moi n’étais pas possible, que j’étais trop rationnelle, pas assez de magie dans ma vie, que c’était d’une autre dont on était amoureux. Une autre fois encore je suis partie parce que la femme qu’il devait quitté est arrivée chez moi et m’a insultée, m’a menacée, m’a frappée alors que soit disant elle était formatée à la patte de son mari depuis toutes ses années. Oui, ma vie ça n’est vraiment pas un conte de fée…

Pourtant ça m’aurait plu à moi d’avoir un homme qui me voit comme la plus précieuse, la plus merveilleuse, la plus enivrante de toutes ses rencontres. J’aurais aimé être la princesse d’un seul qui m’aime pour qui je suis et pas pour qui il aimerait que je sois. J’aurais adoré soutenir quelqu’un dans ses projets et me sentir soutenue dans les miens. Grandir et progresser ensemble. Regarder vers l’avenir en s’imaginant la joie de vieillir ensemble. Mais non, moi ce que j’ai vécu c’est majoritairement des histoires intenses et courtes du type : je t’aime, tu es l’homme de ma vie, je veux rester avec toi toujours, puis j’apprends à te connaitre, je vois que tu n’écoutes pas, que tu n’entends pas ce que je te dis, je vois que qui je suis ne te plait pas, soit parce que je te fais peur, soit parce que je ne te rassure pas assez, soit parce que j’aime trop la logique, le rationnel, soit parce que je veux parler et que ça t’agace… Alors je m’en vais, on ne se parle plus pendant quelques mois, quelques années, et puis on devient potes. Voilà, je suis celle avec laquelle on couche et puis qu’on prend comme pote ensuite parce qu’elle nous a largué. Alors je passe pour la femme forte, solitaire, casse-couille forcément, super plan cul mais caractère de merde. Pourtant je ne me vois pas du tout comme ça. Je me sens sincère, authentique, je me sens curieuse et fidèle, je me sens attentionnée et libre, intéressante, sensible et forte à la fois. Naïve aussi, certainement.

Il faut que je le sois, naïve, pour encore me retrouver à tomber follement amoureuse à mon âge, pour m’emballer et me dire à nouveau ‘lui c’est le bon’ alors que tout indique le contraire, et pourtant, ça m’est encore arrivée, il n’y a pas si longtemps, et c’est déjà terminé. Malgré ma tristesse, malgré mon angoisse permanente, ma rage de vivre m’oblige à voir ce que j’ai gagné dans cette courte relation d’été. Je me suis sentie aimée, vraiment, pendant les deux premiers mois je me suis sentie appartenir à quelqu’un et j’ai aimé cette sensation. Il était marié et m’avait dit qu’il n’y avait plus rien entre lui et sa femme depuis plus d’un an, qu’il allait la quitter, quel cliché, n’est-ce pas? Les premiers temps, je le voyais tous les jours et tous les jours je me sentais aimée, respectée, écoutée et j’ai aimé ça. Malheureusement ça n’a pas duré, il n’a pas quitté sa femme et on a fini par ne plus pouvoir se voir car elle a découvert notre relation et le surveillait tout le temps et ça n’était pas possible pour moi : je ne peux pas être la maitresse cachée, ça ne va pas du tout avec l’importance que j’ai envie d’avoir dans la vie de quelqu’un. Si tu n’es pas disponible pour moi alors tant pis, je m’en vais. Pourtant je pense encore à toi tous les jours, je ne sais pas où tu es, je n’ai plus aucune nouvelle de toi, mais tu es toujours dans mes pensées, mon corps a encore envie du tien et je repense avec nostalgie à nos longues soirées de rires, de discussions, d’amour. Je sais que tu n’es pas bon pour moi, que tu fumes, que tu bois, que tu as des idées étriquées et rétrogrades, pourtant je t’ai aimé profondément et je crois bien que je t’aime encore. Je me rassure en me disant que ma vie est bien plus simple sans toi, que je n’ai pas à me battre sans cesse contre ton racisme, ton homophobie, ton ignorance des faits scientifiques, mais ton regard me manque, ce regard sérieux et puissant que tu posais sur moi et grâce auquel je me sentais puissante, importante, invincible. Oui, pendant un temps, toi le prolo ignorant et obtus tu m’as fait me sentir belle, importante, aimée, grâce à toi j’ai appris comment je voulais être aimée, quelle importance j’avais envie qu’on m’accorde et malgré toute la souffrance, la peur, l’inquiétude que notre relation m’a amenée par la suite, je ne regrette rien. C’est beau ce que nous avons vécu ensemble, ça m’a fait beaucoup de bien avant de me faire beaucoup de mal.

Et alors, maintenant quoi? Et bien toujours pareil, continuer à vivre malgré la peur, continuer d’étudier malgré la difficulté, continuer la sobriété malgré la souffrance, continuer l’espoir malgré les déceptions, quel autre choix? Pourquoi continuer à vivre si c’est pour vivre dans le flou de la drogue et l’irréel des séries? Pourquoi continuer à vivre si c’est pour n’avoir aucun but? Pourquoi continuer à vivre si c’est pour n’envisager que la souffrance sans possibilité de mieux? Aucun intérêt, autant me tirer une balle dans la tête tout de suite : mes enfants sauront très bien s’en sortir sans moi, je n’en ai aucun doute, ils souffriront, bien sûr, mais ça ne les empêchera pas de continuer à vivre. Alors ça n’est pas pour eux que je ne prends pas la porte de sortie, parce qu’il faut être honnête : on ne fait jamais rien pour les autres, nous sommes tous profondément, viscéralement et irrémédiablement égoïstes. Non, si je reste, c’est pour moi, c’est parce que malgré la peur j’aime vivre, j’aime voir la couleur du ciel au coucher du soleil, le contraste sur les montagnes après la pluie, sentir sur ma peau la chaleur du soleil ou la caresse d’une main amie. J’aime aussi ma souffrance puisqu’elle me dit que je suis encore en vie. J’aime cette rage que je sens en moi qui se révolte de manière aussi stupide et naïve qu’une Miss France à la moindre injustice, là aussi, elle me dit que je suis encore en vie et dans la vie. Alors oui ça m’emmerde de n’avoir rien d’exceptionnel, oui je suis triste de ne pas servir à améliorer l’humanité, oui ça me fait bien chier d’être une parmi des milliards et rien d’autre mais je ne veux pas me laisser anéantir par cette déception. Je continue, j’essaie ce truc : avoir mon master de philo, passer mon capes, enseigner la philo. Si j’y arrive, c’est bien. Si non, et bien j’ai un plan B : même si je n’ai pas mon master, je peux passer le concours pour être prof dans le primaire et ma licence de philo me servira aussi dans cette option. Et puis il y a aussi le plan C : continuer à écrire, peut-être m’essayer à des trucs un peu moins inintéressants que raconter ma vie, parce qu’à vrai dire, tout le monde s’en fout de ce qui peut bien m’arriver au quotidien, ça n’apporte rien à personne! Certes ça m’aide, ça me fait du bien de vomir mon mal-être sur le papier, mais ça n’est quand même pas très folichon en terme d’utilité publique (toujours cette putain d’utilité…) alors peut-être que le plan C ça pourrait être écrire… mais quoi? Et puis putain je vis à une époque où le moindre couillon de base pense qu’il peut être intéressant, il y a des dizaines, des centaines de bouquins récents dans la moindre micro librairie de quartier, qu’est-ce que moi je pourrais bien avoir à dire de plus? Je ne sais pas… et là aussi, je crois que mon envie d’être utile va devoir sérieusement réduire son champ d’action : au lieu d’être utile au monde, si déjà je m’étais utile à moi-même ça serait pas mal! Peut-être que je pourrais simplement publier un bouquin pour le simple plaisir, terrifiant et excitant à la fois, d’avoir quelqu’un qui lise ce que j’écris, peut-être que ça me serait juste utile à moi, à me sentir un peu reconnue par le peu de personnes que mes propos pourraient intéresser… Ouais, je sais, c’est pas  gagner!

Poème… ou presque, d’amour… ou pas.

Poème… ou presque, d’amour… ou pas.

Comme Montaigne et La Boétie, 'parce que c'était lui, parce que c'était moi', 
je n'ai pas d'autre explication que ça. 
J'accepte le mot amour dans ma tête, dans mon corps, 
Dans mon cœur à côté de ton nom, de ton corps, 
De ton cœur, parce que c'est toi, parce que c'est moi. 
Absolument rien de rationnel dans tout ça, 
Je devrais te trouver puérile, inculte, étranger, 
Je te découvre mature, cultivé, familier. 
J'ai envie de toi, de nos échanges, de nos regards, 
J'aime le moi dans cet étrange fruit du hasard. 
Hier encore sans toi ma vie roulait tranquille, 
Les jours succédaient aux nuits. 
Aujourd'hui je me sens plus vivante que jamais, 
Envie d'écrire, de danser, de chanter, 
De vivre à fond tous les instants qu'encore un temps, 
La vie me permet de partager avec toi, mon amant. 
A chacune de nos rencontres je me dis que c'est celle-ci 
Pendant laquelle, comme je l'avais prédit, 
Je trouverai ce qui chez toi ne me va pas. 
A chaque rencontre tu me surprends 
Et je repars un peu plus accrocs qu'avant. 
J'ai peur et je m'en fou, je veux vivre cet amour à fond, 
Tant qu'il durera, un jour, un mois, un an, une seconde, 
Peu importe, tout vaut le coup ! 
Même un instant ça vaut la peine 
Pour cette sensation en moi 
De me sentir chez moi avec toi. 
C'est dingue je sais et peut-être dans une semaine 
Je ne pourrai plus te supporter mais aujourd'hui j'en suis là, 
J'ai besoin de toi. 
Jamais je n'ai dit cela à personne 
Car jamais je n'ai compris ce que ça voulait dire, 
Cette sensation d'être plus que soi-même 
En présence de l'autre, ce 'je t'aime' 
Si doux et douloureux à la fois 
Que le dire ne dit rien, qu'un tout petit début à peine. 
Je t'aime et c'est idiot, je t'aime aujourd'hui et peut-être plus demain, 
je t'aime et j'aime le dire, l'écrire, ça me fait du bien. 
Peut-être que ça n'est rien, que ça va passer, 
Peut-être que je m'emballe, me laisse emporter, 
Par les mots, par les frissons, 
Par ces nouvelles sensations. 
Peut-être que ça n'est pas ça l'amour, je n'en sais rien, 
Pour le moment, je t'aime et c'est tellement bien ! 
J'ai peur de te faire fuir avec mes grands mots 
Alors je vais les garder pour moi encore un peu 
Et te dire simplement qu'on a le temps, 
Le temps pour tout, tranquillement...
Les jours moins…

Les jours moins…

En se réveillant ce matin-là sa poitrine lui donne le la.
Aujourd'hui tu iras mal, c'est un jour sans, un jour moins.
Elle sait qu'aujourd'hui il sera, plus qu'à l'accoutumée, difficile de respirer.
Voir chaque jour dans la rue, sur les murs, le monde qui l'entoure, c'est dur.
Elle aimerait pouvoir, comme certains autres, rester optimiste, garder espoir,
Mais la pollution de l'air, des eaux, des gens lui donne envie de pleurer, souvent.
Dans ses jours moins elle est toute seule, elle ne veut pas ennuyer les gens,
Elle reste là à réfléchir, à laisser les idées noires danser et grandir.

Les jours moins sont souvent durs, pessimistes, éprouvants,
Les jours moins c'est pas si sûr, réaliste, dérangeant.
La solitude elle connait bien, elle s'en nourrit, en a besoin.
Avec les gens pour écouter, pour comprendre, discuter, il faut beaucoup se concentrer.

Avec elle-même c'est plus facile, dans son cerveau les idées filent !
Elles s'enchainent, déferlent, ricochent, l'une puis l'autre toujours plus proches.
Mais sa chère solitude parfois lui pèse, elle aimerait que quelqu'un lui plaise
Un homme à elle, comme elles ont toutes, celles qui savent être des chouchoutes.

Pour elle c'est dur le couple rêvé, elle a essayé, elle a échoué.
Ces amis lui disent que pour l'instant elle n'a pas trouvé son prince charmant.
Les jours moins sont souvent durs, pessimistes, éprouvants,
Les jours moins c'est pas si sûr, réaliste, dérangeant.

C'est vrai, petite, elle en rêvait du type idéal, du sauveur sur son cheval,
Aujourd'hui, bien sûr, c'est différent, elle a grandi, est allée de l'avant.
Elle se regarde en face, elle est consciente de ce qu'elle voit dans la glace :
Une femme trop homme, une fille entière, pas assez conne.

Elle voudrait bien faire comme tout le monde, se mettre en couple et dans cette ronde
Trouver une sorte d'équilibre, arriver à se sentir libre.
C'est plus fort qu'elle il faut qu'elle parte dès qu'elle se sent mise dans un boîte
Elle ne respire plus et devient teigne quand la colère commence son règne.

Les jours moins sont souvent durs, pessimistes, éprouvants,
Les jours moins c'est pas si sûr, réaliste, dérangeant.
Alors elle passe pour la méchante, c'est elle qui crie, c'est elle qui jette
ça lui fait mal mais l'habitude fait mieux glisser ce moment rude.

A nouveau face à elle-même, elle reprend tout, où ça la mène ?
A la seule conclusion possible : le couple pour elle c'est impossible.
Elle dit fièrement que dans la vie on n'est pas doué à l'infini.
Elle sait maman, elle sait amie, elle sait amante mais pas mari.

Le quotidien, tous ces rituels, elle n'y arrive pas c'est trop pour elle !
Une fois la routine installée, finie la conquête, bonjour la stabilité...
Les jours moins sont souvent durs, pessimistes, éprouvants,
Les jours moins c'est pas si sûr, réaliste, dérangeant.

Elle le voit que les autres en rêvent, la stabilité, l'impression d'une trêve.
Seulement pour elle se sentir acquise c'est pire que vivre sur la banquise !
Elle a besoin pour être bien que chaque jour quand il revient
Il la surprenne, la redécouvre pour qu'à nouveau ses bras s'ouvrent.

Dans ses rêves elle a le droit d'être différente et aimée pour ça.
Elle a quelqu'un qui voit en elle la force, l'intelligence et la tendresse.
Elle pleure un peu, c'est un jour moins, elle ira mieux demain matin.
A nouveau seule et presque bien elle sera libre et c'est pas rien !

Les jours sans c'est pas facile mais grâce à eux les jours d'après sont d'autant mieux !